đ Salut Les petits rĂ©sistants !
A votĂ© ! Dans le dernier numĂ©ro, vous vous ĂȘtes exprimĂ©s et plutĂŽt que la cantoche, câest la cour de rĂ©crĂ© qui lâa emportĂ©. Hasard du calendrier, demain 8 mars, nous cĂ©lĂ©brons la journĂ©e internationale du droit des femmes et les valeurs dâĂ©galitĂ© entre les femmes et les hommes, entre les filles et les garçons. Et nous sautons donc Ă deux pieds dans le thĂšme en parlant cour de rĂ©crĂ©ation. Si vous ne savez pas encore pourquoi, vous le saurez dans quelques secondes.
Avant de vous laisser : bienvenue aux nouveaux venus, merci Ă tous ceux qui soutiennent le mĂ©dia en faisant un don, qui bombardent de likes et de partages les rĂ©seaux, et rebondissent par des mots gentils sur ces newsletters. Ăa fait chaud au coeur !
𧥠Place au nouveau numéro. Bonne lecture à toutes et à tous !
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Dans ce numĂ©ro, je rencontre Ădith Maruejouls, sociologue de formation et gĂ©ographe, elle est devenue la rĂ©fĂ©rence sur la question de la relation fille-garçon dans la cour de rĂ©crĂ©ation. Elle partage avec nous ses observations tirĂ©es de 10 annĂ©es dâexpĂ©rimentation. Spoiler : pas question de traĂźner pour mettre lâĂ©galitĂ© au menu de lâĂ©ducation. De quoi nourrir vos discussions du week-end avec vos enfants !
ââLes garçons ont votĂ© Madame, et ils ne veulent pas que je joue au foot !â
Ainsi va la dĂ©mocratie dans la cour de rĂ©crĂ©ation pour certaines filles qui manifesteraient leur envie de sâinsĂ©rer dans un jeu qui est dâordinaire chasse gardĂ©e des garçons. Quand bien mĂȘme la nĂ©gociation aurait abouti, aurait-on pu parler dâĂ©galitĂ© ? âLâĂ©galitĂ© et la mixitĂ©, ce nâest pas une fille 1 et 15 garçons !â rappelle la sociologue.
Mais alors, de quoi parle-t-on exactement ?
Pour Ădith MaruĂ©jouls : âil est important de rappeler que la question de lâĂ©galitĂ© nâest pas philosophique, elle est Ă©minemment politique puisquâil sâagit de lâaffirmation dâun droit.â
âDâaccord. Mais aprĂšs tout, les enfants ne sont-ils pas libres de faire ce quâils veulent ?
ââNon, car on ne peut pas ĂȘtre libres dans un cadre qui nâest pas Ă©galitaire. La question de l'Ă©galitĂ© fille-garçon est Ă la fois une question sociĂ©tale dans la maniĂšre dont les adultes considĂšrent cette relation et Ă la fois une question interindividuelle, dans la maniĂšre oĂč des enfants vont se rencontrer⊠ou non.â
Aux adultes donc de se sâemparer de la question pour rĂ©inventer un cadre qui permette aux enfants dâinteragir dans des cours de rĂ©crĂ©ation sans rapport de pouvoir. Câest essentiel selon la gĂ©ographe, car si rien n'est fait pour rĂ©Ă©quilibrer les interactions entre les enfants jeunes, la sĂ©paration filles-garçons persiste Ă lâĂąge adulte, notamment dans la sphĂšre professionnelle :
âNous, adultes, devons mettre en place un cadre Ă©mancipateur, un cadre dans lequel nous nous assurons que ceux qui ne veulent pas jouer ne jouent pas et ceux qui le veulent, le peuvent. Nous devons aussi donner des outils dâautorĂ©gulation aux enfants pour qu'ils arrivent Ă se dĂ©brouiller entre eux, sans adulte, en se protĂ©geant, les uns les autres.â
ââLa question des relations et de lâamitiĂ© fille-garçon ne se rattrape pas plus tard. Le couple amoureux notamment ne permet pas cela. Il est clair que la question de la sĂ©paration des corps sociaux et donc celle des corps physiques demeure dans la sociĂ©tĂ© en gĂ©nĂ©ral, et bien entendu aussi au travail.â
âEt notre discussion de glisser sur le sujet des anniversaires : une petite fille de 5 ans qui organise sa fiesta dâanniversaire avec un petit crew dâinvitĂ©s 100% girly ou un grand garçon qui fait un escape game avec une bande de petits mecs, câest normal docteur ? âJe pense quâil faut questionner cela. Il ne faut pas ĂȘtre ok avec le fait quâen CE2 il nây ait plus dâanniversaire mixte. Câest important de dĂ©battre lĂ -dessus avec son enfant, sans forcer, mais en discuter.â
Depuis plus de 10 ans, Ădith MaruĂ©jouls intervient dans les Ă©coles pour repenser les cours de rĂ©crĂ©ation concrĂštement.
La premiĂšre Ă©tape est celle de lâimmersion et lâouverture de dĂ©bats avec les Ă©lĂšves notamment sur les notions de stĂ©rĂ©otypes : les garçons sont-ils plus forts que les filles ? Pensez-vous que les filles et les garçons sont Ă Ă©galitĂ© dans la cour ? Est-ce important de se mĂ©langer entre les filles et les garçons ? âIl est important que les enfants comprennent la notion dâĂ©galitĂ©, de partage et de justice.â
Ensuite, il sâagit de descendre dans la cour, dâanalyser la rĂ©partition des espaces, le rĂŽle des adultes, les interactions entre les enfants et de voir oĂč sont les conflits.
ââIl faut comprendre que le sujet de l'inĂ©galitĂ© fille-garçon est le sujet de l'inĂ©gale valeur. Au fond, pour les garçons, les filles dans les espaces, cela dĂ©valorise. Les filles doivent donc faire valeur, et pour cela, il faut les rendre visibles. Car elles sont soit Ă l'intĂ©rieur, soit sur les bords, et souvent sans adulte pour leur prĂȘter attention, car ils sont lĂ pour encadrer les jeux des garçons, les jeux de ballons. Donc si on met les filles dehors, on les amĂšne au plus prĂšs des garçons. On observe ensuite ce que cela change en terme de changement sociĂ©tal.â
Et concrĂštement ?
ââOn encourage les activitĂ©s variĂ©es Ă lâextĂ©rieur (jeux de sociĂ©tĂ©, dessin, craie, mais aussi danse avec lâinstallation dâestrades dans la cour et parfois mĂȘme de la musique). On repense aussi des espaces dynamiques que lâon prĂ©sente comme un terrain de jeu collectif, pas forcĂ©ment dĂ©diĂ© au football et on incite les enfants Ă mettre en place des rĂšgles. Enfin, on crĂ©e des zones de discussion en mettant des tables et des chaises dans la cour de rĂ©crĂ©ation. Car faire sociĂ©tĂ©, câest aussi ĂȘtre capable de discuter.â
Depuis quâelle travaille sur ces questions, Ădith MaruĂ©jouls constate une prise de conscience croissante, bien que le contexte actuel puisse parfois freiner certaines avancĂ©es. Pour elle, il est essentiel que les adultes, enseignants, parents, urbanistes et dĂ©cideurs prennent leurs responsabilitĂ©s et agissent pour crĂ©er des espaces plus inclusifs.
Son message aux architectes et urbanistes est clair : « Ouvrez vos chakras ! ». Concevoir des espaces en pensant l'Ă©galitĂ© filles-garçons ne signifie pas simplement Ă©viter le rose et le bleu, mais imaginer des lieux oĂč chaque enfant a une place Ă part entiĂšre et oĂč la mixitĂ© est rĂ©elle et valorisĂ©e.
LâĂ©cole est un espace fondamental dâĂ©mancipation et dâapprentissage des relations humaines. RĂ©flĂ©chir Ă lâĂ©galitĂ© filles-garçons, câest questionner les valeurs que nous transmettons dĂšs lâenfance. CrĂ©er des cours de rĂ©crĂ©ation plus Ă©galitaires, câest offrir aux enfants les clĂ©s pour construire une sociĂ©tĂ© plus juste et respectueuse des diffĂ©rences. Allez, on sây met ?
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đŁ ChloĂ© CĂ©lĂ©rien, autrice, journaliste et dessinatrice, travaille sur la question de lâĂ©galitĂ© dans le sport et intervient auprĂšs des collĂ©giens et lycĂ©es pour Ă©duquer par le sport et lutter contre le sexisme.
Elle partage avec nous une rĂ©flexion tirĂ©e de ces observations de terrain auprĂšs de ses Ă©lĂšves. PĂȘle-mĂȘle : les garçons qui courent pour se ruer dans la cour Ă la sonnerie, le terrain dĂ©jĂ occupĂ© et, lâĂ©tĂ©, les sandales aux pieds des petites filles moins pratiques que de la basket pour jouer, courir et taper dans une balle non ? Filez Ă©couter.
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DĂ©cryptage de lâactu qui mâa le plus chauffĂ©eâŠ
La littĂ©rature jeunesse continue de vĂ©hiculer des stĂ©rĂ©otypes sexistes profondĂ©ment ancrĂ©s. Câest le constat dressĂ© par le Haut Conseil Ă lâĂgalitĂ© (HCE) qui a publiĂ© son rapport annuel 2024 sur lâĂ©tat du sexisme en France. On fait le point !
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DĂšs le plus jeune Ăąge, les livres pour enfants sont souvent divisĂ©s en collections distinctes pour filles et garçons. Les univers proposĂ©s sont marquĂ©s par des reprĂ©sentations genrĂ©es : les petits garçons sont associĂ©s Ă lâaction et Ă lâexploration (pompiers, aventuriers, hĂ©ros), tandis que les petites filles sont cantonnĂ©es Ă des rĂŽles domestiques et affectifs.
Le HCE cite lâĂ©tude dâAdĂ©la Turin de 1994, qui soulignait dĂ©jĂ cet cet androcentrisme dans la littĂ©rature pour enfant soit le mode de pensĂ©e qui consiste Ă envisager le monde uniquement ou en majeure partie du point de vue des hommes.
ConsĂ©quence ? Les garçons sont valorisĂ©s dans des rĂŽles liĂ©s au pouvoir et Ă la connaissance, tandis que les filles sont relĂ©guĂ©es Ă la sphĂšre familiale. Soit⊠le terreau idĂ©al pour une intĂ©riorisation des normes sexistes dĂšs lâenfance. đ
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Dans de nombreux albums illustrĂ©s, les personnages fĂ©minins sont passifs et secondaires, souvent reprĂ©sentĂ©s en train dâattendre ou dâobserver. Les figures maternelles et mĂ©nagĂšres dominent, comme en tĂ©moignent les livres de la collection Martine, oĂč lâhĂ©roĂŻne incarne systĂ©matiquement des rĂŽles liĂ©s au soin et Ă la famille (Martine petite maman, Martine garde son petit frĂšre).
La collection Monsieur Madame est aussi Ă©pinglĂ©e par le rapport : âĂ Monsieur les roÌles majoritairement exteÌrieurs, actifs, valorisants aÌ Madame les roÌles deÌgradants,
inteÌrieurs et passifs, avec des roÌles treÌs caricaturaux â Madame Princesse, Madame BeauteÌ, Madame Sage, Madame Petite, Madame Range-tout, et Monsieur Grand, Monsieur Aventure ou Monsieur Costaud. DâapreÌs des chercheurs de lâUniversiteÌ britannique de Lincoln, les personnages feÌminins de la collection ont besoin dâeÌtre secourus dans plus de la moitieÌ des ouvrages.â
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MĂȘme les animaux anthropomorphiques (animaux qui se comportent comme des humains), omniprĂ©sents dans la littĂ©rature pour tout-petits, perpĂ©tuent ces inĂ©galitĂ©s : les garçons sont associĂ©s Ă des figures puissantes (ours, lions, crocodiles), tandis que les filles sont reprĂ©sentĂ©es par des crĂ©atures plus discrĂštes et fragiles (souris, oiseaux).
Le constat nâest pas plus rĂ©jouissant dans la littĂ©rature destinĂ©e aux prĂ©adolescents et adolescents. Les comics et mangas continuent de reproduire des schĂ©mas sexistes : hypersexualisation des hĂ©roĂŻnes, relĂ©gation des personnages fĂ©minins Ă des rĂŽles secondaires ou subalternes, et banalisation des violences sexistes. Dans certains mangas populaires (One Piece, Naruto), des personnages masculins affichent des comportements problĂ©matiques, valorisant une masculinitĂ© toxique.
On a posĂ© la question Ă StĂ©phanie Daniel, fondatrice de la librairie jeunesse Les livres qui sĂšment, dont le travail de promotion dâouvrages aspirant Ă lâĂ©galitĂ© entre tous les enfants, est saluĂ© dans le rapport du HCE :
ââBien sĂ»r il y a une Ă©volution plutĂŽt positive dans le secteur de lâĂ©dition jeunesse sur les sujets de reprĂ©sentation et des stĂ©rĂ©otypes mĂȘme sâil reste beaucoup Ă faire. La problĂ©matique de fond est lâaspect systĂ©mique de ces schĂ©mas sexistes qui finissent par faire figure de normalitĂ© pour les enfants sâils ne sont exposĂ©s quâĂ ce type de lectures. Bien sĂ»r, il ne sâagit pas de jeter les livres incriminĂ©s. Mais il est important de faire ces mises en garde pour exercer un esprit critique en tant que parent et enfant sur les ouvrages problĂ©matiques.â
Ă noter que la collection (lâincontournable !) Mortelle AdeÌle ainsi que le travail de la maison dâĂ©dition Talents hauts sont aussi plĂ©biscitĂ©s par le HCE pour leur travail sur la question des reprĂ©sentations non sexistes dans la littĂ©rature jeunesse. Bravo Ă eux !
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Un condensĂ© dâinfos engagĂ©es Ă consommer sans modĂ©ration.
đ Vous lâavez sĂ»rement/Ă©videmment vu passer : le Parlement a adoptĂ© une loi historique concernant les Pfas, ces polluants Ă©ternels qui nous empoisonnent la vie. ConcrĂštement, la fabrication, lâimportation et la vente de produits contenant ces polluants sont interdites Ă partir de 2026 dans les cosmĂ©tiques, les textiles dâhabillement et les farts pour le ski. Yalla !
Seule ombre au tableau : les ustensiles de cuisine sont sortis du pĂ©rimĂštre de la loi grĂące Ă lâexcellent travail des lobbyistes du TĂ©flon, que lâon applaudit des deux mains. Mais notez bien que rien ni personne ne nous empĂȘchera de jeter nos poĂȘles en TĂ©flon et leurs supers petits potes les polluants Ă la poubelle pour les remplacer par des poĂȘles au revĂȘtement safe (choisir de l'inox ou fonte par exemple).
Alors, si vous en avez qui traĂźnent encore dans vos placards, mettez ça sur la to-do du mois : poĂȘles TEFAL Ă la benne. Et faites passer le mot Ă vos copains et Ă votre famille au dĂ©tour dâun dĂźner. Vous passerez peut-ĂȘtre pour un relou. Mais quâimporte ! Car nous, on le sait bien : vous ĂȘtes un ami qui leur veut du bien.
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đ Attention aux yeux. Selon une Ă©tude corĂ©enne, 40 % des enfants et adolescents pourraient ĂȘtre myopes dâici 2050. La faute Ă quoi ? La faute aux Ă©crans.
Les armes de prévention ? Limiter les écrans donc et mettre les enfants dehors. Des études montrent que la lumiÚre naturelle et les activités en plein air réduisent significativement le risque de myopie chez les jeunes.
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đ Rebelotte. AprĂšs une premiĂšre condamnation historique en 2023 en rĂ©gion parisienne, lâĂtat vient Ă nouveau dâĂȘtre condamnĂ© Ă indemniser des familles de victimes de la pollution de lâair, dans la vallĂ©e de lâArve, en Haute-Savoie. Pour les juges, les pathologies respiratoires du fils de cette famille âont Ă©tĂ© aggravĂ©es par la pollution, en particulier lors des pics de pollutionâ. Ils ont estimĂ© que lâĂtat a ainsi commis une âfauteâ du fait âde lâinsuffisance des mesures adoptĂ©esâ.
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đ Nutriscore, suite de la saga. La Commission europĂ©enne a finalement renoncĂ© Ă rendre la notation obligatoire dans lâensemble des 27 pays membres. La principale opposition au Nutri-Score est venue dâItalie, qui a jugĂ© que le barĂȘme nuirait aux produits locaux fabriquĂ©s dans le pays. Une sombre histoire de notation dâhuile dâolive, notamment⊠Pour rappel, en France, le Nutriscore est aussi critiquĂ© par certains industriels (Danone par exemple) mĂ©contents du nouveau systĂšme de notation qui a Ă©voluĂ© depuis janvier 2024. NâĂ©tant pas obligatoire, certaines marques choisissent de retirer purement et simplement le barĂšme des paquets. Bien dommage de se priver dâun outil pour parer Ă la malbouffe alors quâune nouvelle Ă©tude alerte sur les chiffres affolants de lâobĂ©sitĂ© dans le monde : prĂšs dâ1 jeune de moins de 25 ans sur 3 sera obĂšse en 2050âŠ
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Parce que vous avez mieux Ă faire que des recherches Google, je sĂ©lectionne pour vous des ressources pour inspirer petits et grands sur le thĂšme de lâĂ©galitĂ©.
đ Ă mettre dans les mains des filles de 7 Ă 12 ans : le magazine Tchika, le seul magazine dâempowerment des petites filles qui cassent les stĂ©rĂ©otypes de genre.
đ Ă mettre dans les oreilles et dans les mains : le podcast et livre Nouvelles HĂ©roĂŻnes Ă©ditĂ© par Larousse Jeunesse (crĂ©Ă© et Ă©crit par CĂ©line Steyer - portrait Ă retrouver ici) qui aide toutes les filles Ă grandir en confiance Ă travers des histoires vraies et inspirantes de femmes d'aujourd'hui.
đ Pour une sĂ©lection de livres aux petits oignons :
> la librairie jeunesse Les livres qui sĂšmentâ
> la collection Mortelle AdÚle, les livres édités chez Talent Hauts, la collection Petite et grande. Notamment !